Patrick Estrade
Psychologue - Psychothérapeute - Ecrivain - Conférencier
 
Adeli 06 93 12 155
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La sagesse, ça vient quand ?

J’aurais aimé vous parler de communication interpersonnelle aujourd’hui, et puis voilà que mon journal d’information amical de vingt heures m’oblige à changer de programme. Coup sur coup, j’apprends que deux couples d’amis, avec deux enfants chacun (dont un qui n’a pas encore deux mois), viennent de se séparer. Le reportage ne manque pas de sel : “Il ne s’occupait de rien, il était complètement absent, totalement irresponsable !” dénonçait l’une. “Elle nous rendait la vie impossible à tous, une vraie hystérique”, martelait l’autre. “J’en ai assez de recevoir des ordres, j’ai passé l’âge” accusait le troisième. “Il était d’une méchanceté perverse avec les enfants” révélait la quatrième.
“Non ! pas possible. On n’aurait pas dit, pourtant... Pourquoi les gens n’arrivent-ils plus à vivre correctement ensemble ? La sagesse fout le camp ou quoi ? Exit, donc, la communication relationnelle, pensai-je, j’écrirai mon papier sur la sagesse.
“Les progrès de l’humanité se mesurent aux concessions que fait la folie des sages à la sagesse des fous”, aurait, paraît-il, dit Georges Clemenceau. Ca sonne bien. Toutefois, trois choses me dérangent dans cet aphorisme. Primo, en matière d’humaine sagesse, je ne vois pas grand progrès depuis Platon ; secundo, le degré de folie des sages reste, me semble-t-il, assez inquiétant ; tertio, la sagesse des fous, doit être si subtile que nul ne parvient réellement à la percevoir. En résumé, quand je regarde autour de moi, je vois beaucoup de folie, mais de sagesse, point.

Le vingt et unième siècle sera-t-il autiste ?

Mais, et même si je sais qu’elles se trouvent liées, ce n’est pas tant de la folie ou de la sagesse collective que je voudrais vous parler aujourd’hui que de celles qui nous sont personnelles. Que notre société engendre folie, absurdité, violence, aliénation collective, après tout, cela peut paraître concevable sinon incontournable : toute communauté ayant pour tâche de faire régner l’ordre en son sein, comporte sa part d’arbitraire et de névrose. Mais nous, c’est-à-dire vous, moi, nos proches, ceux que nous fréquentons quotidiennement : nous sommes des gens généralement plutôt bien, plutôt gentils, conciliants, généreux, altruistes au fond de nous-même, non ? Alors, comment en vient-on à être si mesquin, si égoïste, si indifférent, si opportuniste, si lâche ? Où passe notre bon sens élémentaire, notre aptitude à apprécier, à juger les situations et les gens ? Où passe notre pratique sociale, notre goût de l’effort individuel, notre sentiment d’appartenance communautaire, notre entregent ? Je ne sais pas vous, mais moi, au vu de l’ambiance générale qui règne actuellement dans notre pays, je serais tenté de dire, à la manière de Malraux : “Le vingt et unième siècle sera autiste ou ne sera pas”.

Quand un être est sincère, c’est réciproque
Voulez-vous que je vous dise, me confiait récemment un homme d’une trentaine d’années à la sortie d’une de mes conférences, aujourd’hui, les gens se foutent des autres. Ils n’ont plus d’intérêt, plus d’idéal, plus de valeur. Ils manquent de sincérité, ils n’ont plus de parole, plus de respect. Et quand ils ne se conduisent pas comme des sauvages, ils disent “amen” à tout, ils ne s’engagent pas. Et tristes, avec tout ça. Pas de joie de vivre. Ils ne vibrent à plus rien. J’ai l’impression qu’en France, on n’arrive plus à vivre des relations “normales” de convivialité, de sincérité, de confiance, d’amitié...”

J’ai scrupule à le dire, mais je crois que j’étais assez d’accord avec lui. Et je suis sûr que vous êtes des tas à penser comme ça aussi. Alors, que faire ?
Il serait bon que notre société, en d’autres termes, nos penseurs, nos politiciens, nos hommes et femmes d’Etat nous donnent l’exemple, mais ils ne semblent ni décidés à le faire, ni s’émouvoir du piteux état de l’entregent qui règne dans notre pays. Combien de temps faudra-t-il attendre pour que nous nous réveillions de cette torpeur? Et, ne sommes-nous pas en train de perdre quelque chose de précieux en attendant ?

Personnellement, je crois beaucoup dans l’exemple personnel. Chacun de nous, qui que nous soyons et quel que soit notre statut social, est tout à fait capable de déterminer pour lui-même lorsqu’il est en désaccord ou en rupture avec les valeurs de vie minimum de convivialité et d’entregent qu’il prétend aimer mais qu’il dessert par ses comportements mauvais ou antisociaux, et lorsque, au contraire, il vit dans une harmonie -au moins minimum- avec son monde environnant et avec lui-même. Quelques secondes suffisent pour cela. Pour ma part, je considère que celui ou celle qui ne dit pas bonjour à son entourage, qui ne respecte pas sa parole donnée, ou qui ne se rend pas à une invitation parce qu’il a mieux à faire, est un mort-vivant. Il est un mort-vivant car il ne sait plus vivre dans la sincérité du partage.

Quand un être est sincère, c’est réciproque.
Que ce soit à la maison, au sein du couple, avec les enfants, avec les parents, avec les voisins, ou dans la rue, en voiture, dans le quartier qu’on habite, au travail, ou ailleurs, le regard qu’on porte sur les autres et la manière dont on les accueille sont déjà significatifs du monde dans lequel nous voulons vivre, dans lequel nous vivons.

A vous qui lisez ces lignes, si vous êtes d’accord avec moi, si vous voulez faire partie des vrais vivants, je vous propose, à votre niveau, dans votre entourage, dans votre petit monde, de rompre avec l’indifférence et l’opportunisme et de remettre un peu de sagesse dans vos rapports avec les autres. Accueil, bienveillance, sincérité, respect, responsabilité pourraient être les quatre mousquetaires de notre rentrée. Ca vous tente ?
Copyright © Francis mise à jour du 14 Mai 2020