Patrick Estrade
Psychologue - Psychothérapeute - Ecrivain - Conférencier
 
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Pourquoi les gens qui s’aiment sont-ils toujours un peu les mêmes ?


Il y a une bonne vingtaine d’années, William Sheller chantait « Un homme heureux », une chanson qui commençait par les paroles du titre de ma chronique. Vous savez ce que c’est, on entend une chanson deux ou trois fois à la radio et cela suffit pour vous la mettre en tête. Vous la fredonnez sans y penser. Et puis un jour, peut-être, vous vous interrogez sur le sens de ces mots qui se sont agrippés à votre mémoire avec ses quelques croches et doubles-croches et vous réalisez que vous êtes devant une petite splendeur de philosophie poétique. Pourquoi les gens qui s’aiment sont-ils, en effet, toujours un peu les mêmes ? Personnellement, j’ai observé trois choses à ce sujet, trois ressemblances dont je voudrais vous parler.

La générosité

La première chose est la générosité qui les caractérise. Lorsqu’une personne aime en vérité et pas seulement en parole, elle se trouve dans le don : don de soi, don de son temps, don de son attention. Vous comprenez qu’il ne s’agit pas là de dons matériels, mais d’une attitude face à la vie, face à autrui et face au monde. La personne généreuse, c’est celle qui s’occupe des autres, qui prend régulièrement des nouvelles de sa vieille grand-mère, qui vous téléphone le lendemain pour dire qu’elle a passé une excellente soirée chez vous hier et qui vous complimente sur vos amis, c’est celle qui montre un vrai intérêt pour vos enfants et qui leur donne le sentiment d’être importants, etc.
J’ai l’habitude de dire que les personnes généreuses sont en même temps intelligentes et perspicaces car quelque part elles savent qu’en donnant elles recevront davantage. Oh ! bien sûr, il existera toujours quelques profiteurs qui abuseront d’elle, mais finalement pas tant qu’on pourrait l’imaginer. Car la générosité, bizarrement, est contagieuse. Lorsque vous êtes en présence d’une personne généreuse, vous ne savez pas trop pourquoi, mais vous vous mettez à vouloir être généreux vous aussi.

La non-violence

La deuxième chose que j’observe concerne l’amour lui-même. Ils me semblent que beaucoup de personnes s’illusionnent sur l’amour et prennent des comportements affectifs pour de l’amour alors qu’il ne s’agit que d’élans passionnels non canalisés. Il me semble que ce qui caractérise avant tout l’amour, c’est qu’il n’est pas violent. L’amour et la violence n’ont jamais rien à voir l’un avec l’autre. Il s’agira de passion, il s’agira de tumulte sentimentalo conjugal, il s’agira de turpitude affective, mais il ne s’agira pas d’amour. Les gens qui s’aiment sont des gens pacifiques au fond d’eux-mêmes. Ils n’ont pas l’esprit de conquête, ils ont l’esprit d’ambassade. Ils ne cherchent pas à imposer, mais à échanger. Les gens non-violents sont intelligents et perspicaces car ils savent que la violence n’a jamais créé une patrie, seulement des prisons.

La liberté

Ce constat me conduit à ma troisième observation. Les gens qui s’aiment sont toujours un peu les mêmes, car ils sont épris de liberté et qu’ils veulent préserver celle de l’autre. Vous voyez que nous sommes ici bien loin des chaînes, prisons, et autres cages que vante la littérature romantique. J’ai toujours pensé que « liberté » était l’un des noms de l’amour. Car, qu’est-ce qu’aimer, si ce n’est donner à l’autre les moyens de sa liberté ? Vivre ensemble, ce n’est pas faire partie d’un même bateau avec la hiérarchie traditionnelle (un capitaine, un chef de quart, plus éventuellement quelques moussaillons). Vivre ensemble, c’est partager le port. Le port d’attache. Chacun part, le matin, sur son navire, à la conquête de l’océan et revient le soir au port. Parfois, les cales sont pleines, d’autres fois, moins. Un jour, la pêche a été miraculeuse, un autre, on a subi des avaries et le port d’attache est là, pour réparer ce qui doit l’être, pour partager les richesses, pour raconter les aventures qu’on a vécues. Les gens épris de liberté sont intelligents et perspicaces car ils savent que seule la liberté confère le sentiment existentiel du construit, en d’autres termes, le bonheur.
Lorsque la générosité, la non-violence et la liberté sont là, le respect naît et coule dans le regard de l’un et de l’autre. Les gens respectueux sont intelligents et perspicaces ; ils ne confondent pas tout. Ils savent que le respect est politesse, alors que l’amour est sentiment. Les gens qui s’aiment sont toujours un peu les mêmes car ils vivent dans ce regard. Et c’est ce regard-là qui les rapproche et les rend heureux.
« Pourquoi les gens qui s'aiment sont-ils toujours un peu les mêmes ? Ils ont quand ils s'en viennent le même regard d'un seul désir pour deux. Ce sont des gens heureux. » Un vrai philosophe, William Sheller, vous ne trouvez pas ?
Copyright © Francis mise à jour du 14 Mai 2020